Depuis l’attentat perpétré vendredi soir à Magdebourg, on a beaucoup parlé de la prévention des attaques au véhicule-bélier, de la protection des espaces publics et du profil atypique de l’auteur de l’attentat. Mais je voudrais aborder le contexte plus large dans lequel l’attaque a eu lieu, contexte dont j’ai également discuté lors de plusieurs entrevues depuis vendredi soir.
Tout d’abord, le premier sujet de discussion devrait être sur la nécessité de veiller à ce que les victimes et toutes les personnes touchées reçoivent toute l’aide dont elles ont besoin, sans tracas bureaucratiques ni préoccupations financières. En tant que bénévole auprès des victimes du terrorisme au cours des huit dernières années, je ne peux trop souligner à quel point l’aide apportée aux victimes est lamentable en Allemagne. La plupart des personnes concernées vous diront que le processus déshumanisant mis en œuvre pour obtenir l’aide dont elles ont besoin a entraîné un traumatisme supplémentaire, a aggravé leur situation et n’a guère contribué à la guérison de leurs blessures émotives et physiques. La priorité absolue devrait être de veiller à ce que toutes les personnes touchées reçoivent toute l’aide et le soutien dont elles ont besoin dans les semaines, les années et les décennies à venir, sans retenue, mépris ni dédain.
Deuxièmement, en ce qui concerne les questions relatives à la protection des espaces publics, je ne peux que recommander l’excellent travail de mon collègue et ami Christian Schneider. Cela fait maintenant cinq ans que je travaille avec lui sur le thème de la prévention d’attaques au véhicule-bélier. Pendant cette période, nous avons également organisé des séminaires sur ce sujet pour le Verband für Sicherheitstechnik (VfS) et contribué à la rédaction de chapitres d’un livre, publié par le VfS en janvier 2024. En Allemagne, il n’y a tout simplement pas de meilleure référence en matière de protection des espaces publics contre les attaques au véhicule-bélier que Christian Schneider.
Troisièmement, on parle beaucoup du profil de l’attaquant. Oui, il est assez particulier, mais ce que je trouve plus pertinent que le profil spécifique, c’est ce que j’en suis venu à décrire comme la « normalisation » des attaques au véhicule-bélier. Au cours des cinq dernières années, l’utilisation des véhicules comme arme est devenu une pratique courante, avec une augmentation importante à partir de 2020, catalysée par les attaques contre les manifestations du mouvement « Black Lives Matter » et la pandémie. Les attaques au véhicule-bélier sont désormais employées pour une grande variété de motivations, notamment la violence domestique, et sont impulsive – c’est-à-dire sous le coup d’une forte émotion et avec un temps de préparation très limité – contrairement aux attaques planifiées comme celles de Nice ou de Berlin. Par conséquent, si le profil terroriste de l’agresseur semble chaotique dans le contexte du terrorisme, le profil volatile, contradictoire, hautement émotif et confus de l’attaquant de Magdebourg n’est pas exceptionnel en ce qui concerne les profils des attaques au véhicule-bélier.
De nombreux facteurs, tels que l’imitation, contribuent à ce phénomène, mais c’est surtout la facilité d’utilisation et les niveaux élevés de dommages qu’un véhicule peut causer qui entraînent l’augmentation de ce genre d’attaques. Par conséquent, si les profils des attaquants potentiels peuvent être utiles, la grande diversité des motifs et des acteurs rend l’élaboration de ces profils extrêmement difficile et probablement peu fiable.
Face à cette « normalisation » – qui, sous sa forme non létale, peut aussi s’étendre à l’utilisation de véhicules comme béliers pour commettre des vols – il est clair que nous ne pouvons plus considérer les attaques au véhicule-bélier comme exceptionnelles et que nous devons adapter nos mesures de protection et notre capacité de résilience en conséquence. Nous pouvons travailler sur les mesures en nous assurant que les concepts de protection des espaces publics sont développés et mis en œuvre sérieusement ; et parce qu’il n’existe pas de sécurité à 100 %, nous devons renforcer notre résilience en nous assurant que toutes les victimes et les personnes affectées par de telles attaques reçoivent tout le soutien dont elles ont besoin, aussi longtemps qu’elles en ont besoin. Ça, c’est quelque chose que nous devrions pouvoir faire à 100 %.